Depuis que j’approche la trentaine, je ressens un besoin incompréhensible mais irrépréhensible de me remettre en question. Toute ma vie est passée au peigne fin, et mon appétit littéraire vibre au rythme de mes questionnements. En ce moment je lis tout ce qui peut m’aider à construire mon identité, améliorer ma gestion des finances et ma gestion des personnes importantes de ma vie (famille, amis…). C’est dans cet esprit que j’ai sorti de ma bibliothèque le livre « Découvrir, développer et capitaliser son talent » écrit par Landry FEUKAM. Je l’avais acheté en novembre 2021 lors de la première édition du salon du livre de Douala.

 Je me souviens lors de ma discussion avec l’auteur, lui avoir dit que je n’aimais pas tout ce qui était en rapport avec le développement personnel. A cette époque j’avais l’impression de subir soit des injonctions venant des promoteurs/auteurs et autres coachs en développement personnel, soit la sensation d’avoir raté totalement ma vie tellement ce qu’ils disent peut être à la fois d’une simplicité agaçante, et d’une pertinence affligeante. On en a bien rigolé. Lui essayant de me convaincre qu’il ne mange pas de ce pain et moi essayant de lui prouver le contraire. J’avais finalement acheté 2 de ses livres. L’idée était de les offrir à mon petit frère qui était en classe de seconde cette année-là pour l’aider dans son choix de carrière. 

Le livre est bien écrit, dans un français simple, sans les tournures stylistiques superflues que je subis d’habitude en lisant les auteurs noirs francophones. Il a 180 pages, très digestes que j’ai pris plaisir à lire. Pas tant parce qu’il m’a fait découvrir mes talents (ce qui ne devrait pas vous décourager à l’acheter) mais parce qu’il peut être une grande source d’inspiration. En même temps il est précisé dans l’ouvrage qu’aucune formule magique ne sera donnée, mais des clés pour accompagner le lecteur dans la quête de sa mission de vie. Sur ce point il tient toutes ses promesses. Ce que j’ai trouvé absolument génial, c’est que l’auteur a pris la peine de contextualiser les notions, les ramener à nos réalités camerounaises. Nous sommes totalement dans l’environnement local. Les exemples cités, les structures à consulter, les initiatives, les astuces… bref tout est fait pour que le lecteur camerounais ne se sente pas perdu. Et celà me manque souvent lorsque je lis certains livres écrits dans un autre contexte spatio-temporel. Ici pas besoin d’adapter les concepts, tout est « tropicalisé ».

Dans la même logique, l’auteur a pris le soin d’interviewer 10 personnages camerounais plus ou moins connus à l’instar de Ulrich Takam, Nancy Ongolo. Les conversations portent sur les circonstances qui les ont amenés à découvrir leurs talents et comment ils ont été développés. 10 talents dans divers domaines : art culinaire, oratoire, maquillage, mannequinat, photographie, comédie… 10 parcours de vie que je résumerais aux points suivants :

  • Il n’y a pas d’âge pour découvrir, développer et mettre son talent au service des autres. Il y en a qui se sont découverts à 30 ans, d’autres à 7 ans. Néanmoins ils trouvent tous du plaisir à mettre leur talent en valeur aujourd’hui parce que cela sert aux autres.
  • La discipline est seul moteur de l’éclosion d’un talent. Si beaucoup d’entre eux l’ont commencé par passion ou par hasard, c’est la discipline dans le travail qui leur a permis de tenir sur la durée. Il ne faut jamais cesser d’apprendre de nous-même et des autres, se former, se challenger et partager avec les autres.
  • Le numérique est un outil puissant, il faut s’en servir de la bonne manière. Tous les 10 profils ont admis soit s’être formés en ligne sur divers points, soit avoir recouru à internet pour la promotion de leurs concepts, pour attirer le public vers leurs initiatives. Comme quoi c’est un outil que l’on doit mettre à notre service pour grandir.
  • Notre talent peut devenir notre source de revenus au Cameroun. La quasi-totalité des personnes interviewées dit vivre de leur talent. Il faut parfois se faire confiance et travailler pour ce que l’on veut.

C’est un livre que je recommande aux plus jeunes qui cherchent encore leur voie, aux parents pour accompagner leur progéniture et à tous ceux qui se questionnent encore sur leur choix de carrière, leur mission de vie.  Petit bémol, l’édition aurait pu être plus rigoureuse. On retrouve quelques coquilles et la sensation de répétition dans certains chapitres. Heureusement cela n’enlève en rien la beauté du message. Un message qui a particulièrement parlé à l’enfant que j’ai été et au parent que je veux être.

Je suis de ceux qui n’ont pas été particulièrement encouragés à autre chose qu’être bonne élève. Les seules activités extra-scolaires auxquelles j’ai participé jusqu’à ce que je quitte les bancs se résument a une adhésion factice  à certains clubs de mon lycée, un abonnement a une médiathèque, une carrière de très courte durée comme contributrice pour un bulletin d’information des étudiants.

Il faut dire, qu’une bonne partie des camerounais de ma génération a  été moulée pour trouver  l’épanouissement à travers un métier. Cela peut conduire à une sensation de ne pas vraiment connaitre son plein potentiel par manque d’expérience de la vie. Pour beaucoup des acteurs interviewés dans le livre, ils ont été conscients de leurs talents pendant leurs études et les kermesses ont été un bon moyen d’expression. Cela peut pousser à s’interroger sur comment aborder la question des talents et de la mission de vie avec ses enfants. Faut-il avoir le courage de faire confiance à la providence et laisser éclore les talents, quand bien même ceux-ci pourraient favoriser la déscolarisation des enfants ? Faut-il suivre ce qui pensent qu’un talent n’est pas obligé de devenir un métier ? Ainsi on peut très bien accompagner son enfant dans ses passions sans pour autant construire des carrières autour.